Peut on posséder deux langues ? Peut on maitriser toutes les deux ? Nous n’aurons peut être pas une réponse sauf si on répond à une autre question : Est-ce que l’Homme possède une langue donnée ? Je me rappelle que j’ai lu une citation de l’un des ancêtres qui décrit sa relation avec la langue arabe, et à laquelle je n’ai pas trouvé de référence: « A chaque fois je prétends la maîtriser, elle me prouve le contraire ». Ceci montre sa relation perturbée avec la langue arabe qui ne cesse de le soumettre à ses règles et sa domination par force. Malgré qu’elle soit toujours vainqueur, on ne peut que se soumettre à cette langue, à contrecœur.
Si c’est le cas d’un unilingue, qui ne parle que sa langue, comment peut il se débrouiller s’il a deux ou plusieurs langues ? Comment fait il pour passer de l’une à l’autre ou gérer les deux, ou encore gérer la traduction continue qu’il pratique ? J’essaierai de traiter quelques questions en s’appuyant sur Al-Jahiz, un auteur qu’on ne connait pas s’il maitrisait une langue outre que l’arabe, sachant bien que dans ses œuvres il y a eu des signes qu’il connaissait aussi le Persan.
Commençons par ce qu’il a dit dans al Bayān wa-al-tabyīn. Abi Ali Al Asswari a transmis dans une mosquée : « 36ans, il a commencé l’interprétation du Coran, il l’a fini juste avant sa mort, parce qu’il apprenait par cœur Sirah et les différentes interprétations, il lui fallait peut être plusieurs semaines pour interpréter un seul verset coranique ». L’interprétation du Coran est une longue opération qui ne s’achève qu’avec la mort de l’interprète…Avec quelle langue Abi Ali Al Asswari effectuait ses explications ? Certainement l’arabe puisque son public se compose essentiellement des arabes et de quelques étrangers qui ont appris l’arabe. Cependant, comment interprètent-ils le Coran à ceux qui ne parlent pas l’arabe ?
Peut être je n’aurai jamais du penser à cette question si ce texte n’était pas annexé d’un autre texte, dont Al-Jahiz décrit un conteur nommé Moussa Ibn Sayar Al Asswari : « c’était une merveille, il était éloquent en Persan autant plus qu’en Arabe, et il s’assoyait dans son fameux conseil, entouré des arabes à sa droite et des perses à sa gauche. Il lisait le verset coranique et l’expliquait en arabe, pour les arabes, et se retourne vers les Perses pour leur expliquer le verset en Persan.».
Les Arabes d’un côté et les Perses de l’autre, aucune confusion entre les deux groupes, chacune avait ses limites qu’elle ne pouvait dépasser. La langue les séparait. Seul le conteur connait les deux langues, « Sans savoir de quelle langue il est plus éloquent ». Il explique le Coran avec la même fluidité à la fois en arabe et en persan. Et si on considère l’interprétation comme étant une traduction (à l’intérieur de la même langue), on peut dire que ce monsieur produit deux traductions du verset coranique, arabe et persan (notant bien qu’il commence avec l’interprétation arabe, ce qui a certainement un sens). A chaque fois il se retourne selon l’angle de traduction, à droite pour l’arabe et à gauche pour le persan. Parler c’est retourner avec tout ce qui s’y rapporte de significations liées aux deux côtés, aux mains et aux endroits. On ne pouvait pas imaginer l’inverse de cette position ? Arabes à droite et perses à gauche ? Si c’était le cas, si les arabes se mettaient à gauche et les perses à droite, la langue arabe aurait moins d’importance que le persan, chose à laquelle Al-Jahiz et Moussa Ibn Sayar n’auraient jamais dû penser. En quoi est-ce possible si l’on saurait que le texte original est descendu en arabe ?
Abdelfattah Kilito
ترجمة سهى معاذ لعناني
المصدر: عبد الفتاح كيليطو، لن تتكلم لغتي، الصفحتان 27 و 28، دار العودة، بيروت.
المصدر : https://dinpresse.net/?p=6317
Mariamمنذ 5 سنوات
بارك الله فيك صديقتي، أحسنت
واصلي