Fatima TIGHERDITE
Devant les centaines de vies humaines qui s’éclipsent de jour en jour, le désarroi de la fragilité de la vie broie nos certitudes et nous jette dans l’interrogation agitée ou dans l’agitation des interrogations :
Comment prendre la vie ? Par le léger ou par le lourd ?
Le mythe de l’éternel retour ou le recommencement de l’histoire de façon infinie, une idée nietzschéenne qui a vu le jour dans les alpes suisses, en reprise de la vie après la mort de façon perpétuelle. La première fois que ce mythe a été évoqué était dans le Gai Savoir, dans l’aphorisme 341: cette vie telle que tu la vis actuellement, telle que tu l’as vécu, il te faudra la revivre encore, et d’innombrables fois […] l’éternel sablier de l’existence se retournera sans cesse.
L’idée de l’éternel retour est une idée complexe et difficile à concevoir dans la réalité. Mais comment expliquer ce mythe loufoque ?
Le fait de vivre plusieurs vies donne la possibilité d’acquérir une grande richesse pour chaque expérience vécue dans chaque vie, cette expérience acquise est une expérience idéale, mais peut-elle aider l’individu à s’améliorer au fil de ses renaissances ? Et tant qu’il n’y a aucun changement dans la reprise, de quelle richesse peut-on parler ?
L’affirmation de l’éternel retour dans le jeu de la répétition infinie traduit la gravité de la vie si chaque acte répété est voulu et désiré. La question de la vie avec retour pourrait être formulée d’une autre façon : sommes-nous capables de ne plus vivre sauf ce que nous vivons à l’instant? À quel point cet instant peut-il devenir éternel ?
Pour y répondre, Nietzche nous invite à ce qu’il appelle la philosophie de l’indifférence : attitude qui a son impact sur la conception de l’existence dans la mesure où une fois l’individu se détache de ses propres choix, il en devient un observateur, et peut être ce qui revêtait avant une puissance, ne l’est plus après son statut de spectateur. Ce détachement permet de contempler sa propre vie et cette nouvelle conception contemplatrice traduit la pesanteur. L’éternel retour donc n’est pas une vérité à adopter, mais une vision nouvelle de se regarder et de contempler sa vie en lui donnant un sens, celui de l’envie de sa reprise.
L’éternel retour par négation est l’absence de la reprise de la vie, et le temps linéaire qui la commande traduit la fugacité de ses instants, un éphémère qui frôle la pure irréalité. Dans cette vie privée de retour, donc de pérennité, l’individu a beau accumuler les expériences, il n’en demeure pas moins prisonnier de son immaturité car il vieillit dans l’inexpérience. En outre, il ne possède aucune comparaison au préalable de ce qu’il faisait et de ce qu’il pourrait faire car tout est vécu d’un seul coup.
In fine, l’idée de l’éternel retour avec affirmation traduit une conception nouvelle de la vie dans la mesure que son alourdissement n’est que l’envie de sa reprise basée sur la notion de la responsabilité qui la teinte de sens, Cependant l’éternel retour avec négation traduit une autre idée originelle du bonheur inaccessible aux humains basé sur la linéarité du temps d’où l’impossibilité d’accéder au bonheur car le bonheur est le désir de la répétition.
En somme, la gravité de la vie est impossible sans la légèreté et la légèreté est inconcevable sans la pesanteur de l’existence, la pesanteur de la terre est inimaginable sans l’apesanteur du ciel qui la couvre.
Par conséquent, l’homme est voué à l’incertitude des choses, dans sa quête de la liberté, ne peut échapper à l’ambivalence du lourd – léger.
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